Subject: Le Seigneur du Pipo - Chapitre XVIII – Rhézousse soit loué |
Author:
Graham
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Date Posted: 18:46:35 05/28/02 Tue
Le courant bouillonnant emportait les hobbits, tels de petites poupées de cire (ou de son, au choix), le long du fleuve de San Sebastian. Les torrents de pluie ne cessaient pas, et Gramon le fit remarquer à Walgorone en faisant porter sa voix par-delà l’écume. « Tu disais : ‘Il n’y a pas assez d’eau’, je crois ??? », brailla-t-il, ironique.
« - Ben écoute, je pouvais pas savoir qu’il me prendrait au mot, l’autre là haut ! » cria le Ranger avant qu’un tourbillon un peu violent le recouvre momentanément.
« - Regardez, là-bas !, s’exclama Gonia, la playa !… je veux dire, une plage ! » En effet, l’arc sablonneux d’une baie se dessinait sur leur gauche à l’embouchure du fleuve.
Jessie émit une petite prière : « Faites que les courants… blorggll ! –il venait d’ingurgiter une rasade d’eau salée à la turbidité plus que douteuse- … faites qu’ils aillent dans le bon sens… »
Miraculeusement, la force de la masse liquide fit dériver les huit hobbits dans la direction de la baie, comme une promesse de retrouver la terre ferme. Ils étaient maintenant dans la mer, certes non loin de la côte, mais encore aux prises avec les éléments en furie.
« - Je me disais bien que j’aurais dû prendre un maillot de bains ! » ironisa Goo-Peel, tentant de s’approcher de la côte à grands coups de bras. Chacun s’escrimait à sa manière à gagner la plage de toutes ses forces. Mormon y allait à la brasse, espérant que sa barbe hydrophobe écarterait les flots, Gonia tentait le papillon, certes esthétique mais peu efficace dans ce tumulte aquatique, et Jessie nageait le petit chien à en perdre haleine, éclaboussant joyeusement tout les hobbits, qui étaient de toute façons déjà mouillés comme des soupes autour de lui.
Leurs efforts semblaient vains : la baie de San Sebastian s’éloignait à vue d’œil. C’est alors que Goo-Peel, qui rappelons-le était archer, remarqua un à-pic rocheux à quelques dizaines de mètres seulement. Sortant son arbalète de son sac, il accrocha une solide corde à l’extrémité de son harpon aux pointes recourbées. Ajustant son tir tant bien que mal dans le chaos de vagues, il décocha un carreau en direction des rochers. Un « clang » lui répondit au-dessus du grondement de la mer. Il tira sur la corde, arrimée à un bloc sur la côte et cria « Accrochez-vous à moi ! » Ses compagnons qui avaient réussi à ne pas être trop séparés par le courant s’accrochèrent à lui du mieux qu’il purent, et après plusieurs minutes d’efforts, ils atteignirent le bord rocheux d’une colline dominant la baie.
Jessie, à bout de souffle, hoqueta : « Bravo, Goo-Peel, c’était juste ! » L’archer accepta le compliment en rangeant son matériel dans son sac. Gramon constata alors avec effroi : « - Mais où sont passés les autres ? » Ils étaient cinq sur le rivage, imbibés de l’eau du ciel et de la mer. Golen, Gonia et Mormon avaient disparu. Sady contempla la mer houleuse d’un air inquiet : « Et en plus, pour ne rien arranger, il n’arrête pas de pleuvoir » Walgorone renchérit, en colère face aux éléments de la nature : « Oui, c’est vrai, ça suffit comme ça ! »
Ce fut comme si on avait coupé la friture sur une radio. Le clapotis ambiant se tut instantanément, tandis qu’une dernière goutte de pluie solitaire s’écrasait sur un rocher de la côte. La mer se calma, les nuages commencèrent à se fissurer, laissant paraître quelques morceaux de ciel bleu épars. Des plaques de lumière apparurent sur la côte, et s’étendirent sur toute la baie, jusqu’à la colline au bas de laquelle se trouvaient les cinq hobbits rescapés. « - Whah ! lâcha Jessie stupéfait en se masquant les yeux d’une main, j’en avais presque oublié l’éclat du soleil ! »
Un petit chemin caillouteux montait entre les arbres le long de la colline. Ils se dirent qu’ils verraient sans doute mieux d’en haut pour retrouver leurs trois autres compagnons. Les cinq hobbits entreprirent de la gravir ; de toute façon, ils auraient eu de mal à la contourner, à cause des gros blocs de pierre à cet endroit la côte.
***
« Le pur a été romain. » Sonya la Lutine marqua une pause, et contempla le visage perplexe de Fanny. Au bout d’un moment, elle réalisa qu’elle avait dû dire quelque chose de travers.
« - Pardon, tu pourrais répéter ? » fit la fée lentement, en espérant que si elle articulait, la Lutine arriverait mieux à dire ce qu’elle voulait.
« - Heu… Sonya toussa pour se donner un peu de contenance. Je disais : ‘Le mur a été repeint’.
- Ah oui, je préfère. »
Elles étaient toutes les deux en train d’examiner le mur de la salle à café de l’Unité Régionale de Tilékhom. Certes, la peinture avait eu le temps de sécher depuis le jour où Yannor avait découvert les traces, au lendemain de sa malheureuse expérience avec le minerai étrange.
« - Je me demande si c’est lié à la déflagration du minerai quand Yannor l’a analysé ? suggéra la Fée Final Fanny. Il en émanait une puissance incroyable.
- Oui, une très gronde farce, acquiesça Sonya, avant de froncer les sourcils. Enfin, tu vois ce que je veux dire. »
Fanny sourit. « - Ne t’inquiète pas, ce n’est pas de ta faute. C’est juste que ma présence te rend dyslexique. Elle prit sa baguette magique dans la main gauche. Tu vois, je suis gauchère de naissance. Mais tu sais que tous les magiciens, sorciers ou fées doivent être droitiers pour apprendre la magie correctement. Enfin, si on veut faire d’une gauchère une magicienne, il faut inverser le sens de tous les sorts. Malheureusement, il y a quelques tours qu’on m’a appris dans le mauvais sens… Depuis, dès que je suis en contact avec une personne réceptive à mes pouvoirs, comme toi, j’ai des effets bizarres sur elle. »
Sonya écoutait, perplexe. « Quelle théorie farfelue ! lâcha-t-elle enfin. Ca n’a ni teu ni quête ! La lutine grimaça, secoua la tête et lâcha : Raaaah ! … Tu as raison, ça m’arrive sans arrêt depuis que je te connais ! »
La Fée haussa les sourcils : « - Tu vois ? Elle se tourna a nouveau vers le mur avec les traces étranges. Bon, passons aux choses sérieuses. » Avec sa baguette droitière, elle traça de la main gauche quelques signes sur le mur. Les traces de peinture se mirent à rayonner d’une lumière octarine (la couleur de la magie de la Fée), avant de s’évaporer. Ceci révéla ce que la peinture beige récemment peinte cachait : trois fines marques verticales noircies, chacune de la taille d’un homme. Sonya et Fanny se regardèrent : « Whah, ça fiche la chair de poule ! »
***
Les cinq hobbits marchèrent longtemps le long du chemin raide qui menait en haut de la colline. Entre les arbres, une forme en pierre se détachait du ciel éclairci.
« Hé ! Regardez là-bas, s’exclama Goo-Peel en la montrant du doigt. Une statue !
- Une statue de la vierge, précisa Jessie.
- Dis donc, elle est vachement poilue, ta vierge ! remarqua Walgorone. »
En effet, Marie aurait alors arboré une magnifique barbe de pierre. Il semblait que la forme était plutôt masculine, en fait. Remarquez, le doute était permis, vu que la statue, haute d’une cinquantaine de mètres, portait une sorte de robe, ou était-ce une toge ? Il pointait deux doigts au ciel, dans une expression sereine, religieuse. Ou bien peut être faisait-il juste un signe du genre « garçon, l’addition, s’il vous plaît ».
Arrivés au pied de la statue, en haut de la colline, les cinq visiteurs purent disserter un moment sur la nature du personnage représenté.
« - C’est Rhézousse. » fit une voix derrière eux. Les hobbits sursautèrent. Un moine encapuchonné se tenait derrière eux. « On loue sa statue à la cité pour notre Culte. » Il les regardait d’un air méfiant. « Vous n’avez pas l’air de la région. Je dirais que vous êtes… des Terres du Milieu, je me trompe ?
- Eh bien, euh oui, bafouilla Jessie l’Ecuyer qui avait un mauvais souvenir des derniers moines qu’ils avaient croisés dans la vielle ville, c’est-à-dire que… nous sommes de simples Too-Rist, quoi.
- Alors, à force de visiter, vous avez peut-être vu mes frères du Culte de Rhézousse ? Ils devaient apporter les boulettes. Vous imaginez des vêpres sans boulettes pour accompagner les hosties et le vin rouge ? »
Jessie et Sady furent pris d’un intérêt soudain pour leurs ongles, tandis que Gramon et Goo-Peel se mirent à étudier frénétiquement la flore locale d’un air gêné. Walgorone, remarquant l’embarras de ses amis, s’approcha du moine en lui rendant la main : « Ecoutez mon bon monsieur, nous avons été très heureux de vous rencontrer, et cette statue est très pittoresque, mais voyez vous je suis sûr que vous devez reprendre vos prières, n’est-ce pas… » Il lui serra la main avec un sourire affable, pensant intérieurement « Dégage, allez, dégage…. ».
Le moine de Rhézousse leva un œil vers la statue : « Vous avez peut-être raison, je risque de manquer les vêpres. Ca serait bête, la location de Rhézousse n’est pas donnée pour nos prières. Son regard descendit sur la main de Walgorone qu’il tenait toujours. Mais, qu’est-ce que… ? C’est l’anneau Elémental de Maïté !
- Mais euh… articula péniblement le Ranger, je ne vois pas ce que l’emmental va faire là-dedans. Il n’y avait pas de fromage râpé sur les boulettes !
- Et comment est-ce que vous savez cela ? gronda le moine, inquisiteur.
Les Bask sont en fait des gens charmants, jusqu’à ce qu’on les contrarie pour une broutille. L’offrande de boulettes sacrées avait manifestement l’air d’en être une très bonne.
Walgorone, sentant que le moine commençait à serrer sa main très fort, réussit à se dégager habilement en faisait une clef de bras, qui fit craquer celui du moine, qui se mit à crier une gamme de sons dans la clef de sol. Tandis que le moine faisait ses douloureuses vocalises à la manière d’une sirène deux tons, Walgorone dégagea sa main. Une clameur presque grégorienne monta en contrebas. Le reste de la troupe de moines gravissait la colline menant à la statue, visiblement furieux de s’être faits semer au bord de la rivière. Goo-Peel s’écria : « Cassos ! puis il ajouta au milieu de sa course : Je crois que ce mot commence à devenir une fâcheuse habitude, aujourd’hui. »
Poursuivis à nouveau par les moines Bask, les cinq hobbits dévalèrent un sentier qui menait à une petite clairière, d’où partaient une multitude d’autres petits chemins. Sady, qui courrait alors près de Gramon, lui cria : « Par là ! » Elle désignait un escalier de pierre caché dans un coin qui descendait sous terre.
Dans la confusion générale, Jessie, Goo-Peel et Walgorone continuèrent dans leur élan le long du sentier, et tombèrent nez à nez avec Gonia, Mormon et Golen, qui remontaient tranquillement la colline. Mormon, les stoppant dans leur course, leur dit alors : « Mais où est-ce que vous étiez ? On vous a cherché partout ! » Golen renchérit « On a fait une belle ballade, on a vu des minous super mignons ; c’était super, vous auriez dû venir ! » Avant même que Gonia n’aie pu en placer une, Walgorone ajouta en désignant la cohorte de moines en furie à leurs trousses : « Ben, en attendant, courez ! » D’un seul mouvement, ils prirent tous les six leur élan pour redescendre la colline, sautant par-dessus les nombreux chats qui traînaient sur le sentier.
***
« Je crois qu’on les a semés » dit Sady à Gramon dans la pénombre de l’escalier souterrain. Le roulement de tambour des pas de moines s’était atténué. Alors qu’ils s’apprêtaient à remonter vers la clairière, une lumière attira l’attention de la Béhenne. Elle venait du bas des escaliers. Faisant signe à Gramon, elle descendit les marches. En dessous, il y avait un grand couloir souterrain luisant, sans doute à cause des mousses sur les parois. Ils le descendirent et pénétrèrent dans une petite pièce avec un autel en pierre au milieu. Gramon s’en approcha lentement. Sur l’autel se trouvait un objet rond et luisant, qui semblait l’appeler. Exactement au-dessus des deux hobbits, à l’air libre, se trouvait la statue de Rhézousse. Les deux doigts de sa main droite, pointant vers le ciel, bougèrent imperceptiblement.
« C’est lui ! s’exclama Gramon. C’est l’Anneau ! Il tendit la main au-dessus de l’autel pour le récupérer
- Non, Gramon, tu ne devrais peut-être pas… commença Sady au moment où son ami le prenait.
Elle fut interrompue par un bruit de raclement, semblable à celui que feraient deux blocs de granit massif coulissant l’un sur l’autre. La statue de Rhézousse venait de bouger le bras droit, en même temps qu’un mécanisme mystérieux fermait l’entrée de la salle souterraine derrière les deux hobbits. Ils se regardèrent dans la lueur des mousses fluorescentes de la petite pièce, l’air de dire « Bravo ! Et qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? ». Le bruit au-dessus d’eux continuait, grave et inquiétant. Sady vit alors une ouverture dans le bas de l’autel. « Aide-moi à pousser ! » fit la Béhenne à Gramon. Il mit l’anneau pipal dans sa poche, afin d’avoir les deux mains libres pour le pousser. Tous deux, ils réussirent à déplacer la masse rocheuse, en dessous de laquelle descendait une sorte de tube obscur.
« - Non… tu ne veux pas sauter là-dedans ? demanda Gramon incrédule.
- Je ne vois pas d’autre sortie ! Le bruit de pierre sinistre martelait les mots de la Béhenne. Prenant la main Gramon, elle sauta dans le gouffre.
- Il n’en est pas questioooooooooonnn ! Cette dernière syllabe résonna dans la pièce au moment où les deux hobbits disparaissaient.
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